Sucre

La ville blanche dont le nom n'a rien à voir avec le glucose, mais avec celui d'un des héros de l'indépendance, fidèle compagnon du "liberator" Simon Bolivar, le maréchal Antonio José de Sucre. Il sera le premier président de la Bolivie, élu à vie. Démissionnaire au bout de deux ans, il part en Colombie où il sera également élu président, mais sera assassiné peu de temps après !

Sucre est la capitale constitutionnelle du pays car c'est là qu'a été proclamée l'indépendance et que siège la Cour Suprême. L'Université de Sucre est la plus ancienne d'Amérique du Sud. Tout cela pour dire que c'est une ville "intellectuelle" qui ne respire pas la pauvreté comme La Paz. Au contraire, de nombreux bâtiments de l'époque coloniale renferment de belles boutiques, des cabinets de professions libérales bien propres et quelques hôtels et restaurants avec patios intérieurs somptueux.

Notre auberge de jeunesse a aussi un patio où nous déjeunons presque tous les midis. Les repas sont copieux, peu chers et surtout équilibrés avec des légumes !!! Ici, cela est rarissime, car la viande est généralement accompagnée de riz ET de grosses frites. Les boliviens ne peuvent pas faire un repas sans "papas fritas", c'est ce que nous confirme notre professeure d'espagnol, Mirian !

Nos matinées sont intenses, bien remplies par l'apprentissage notamment des trop nombreux verbes irréguliers. Claude a compté que nous avions appris 150 verbes cette semaine (réguliers ou non), de quoi surchauffer nos (vieux) neurones. Nous sommes seuls avec Mirian et n'avons donc aucun répit. Pour autant, nous sommes très très contents de cette semaine qui consolide les acquis de Cusco. Les après-midis passent très vite : un peu de tourisme (visites si possible guidées et bien sûr en espagnol) et les "devoirs" conséquents pour le cours suivant.

Nous profitons aussi de ces quelques jours pour préparer la suite de notre périple. Une déception déjà : il est trop tard pour réserver les refuges du parc desTorres del Paines au Chili. Nous avions prévu d'y faire un trek de 4/5 jours. C'est raté ! Par ailleurs, les tarifs qui y sont pratiqués sont exorbitants, ils ont explosé ces dernières années (de l'ordre de 1000€/personne). Nous modifierons donc notre parcours.



Potosi

Comme Sucre, Potosi est inscrite au Patrimoine mondial de l'UNESCO pour la richesse de son passé colonial.

Etablie à 4090 mètres d'altitude, c'est à ce jour la ville de plus de 100 000 habitants la plus haute du monde. Circulant depuis cinq semaines sur les hautes terres de l'Altiplano, cela ne nous dérange plus. La ville doit sa fortune à la montagne qui la domine, le "cerro Rico", colline riche. Surexploitée depuis le XVIe siècle, percée de plus de 400 mines pouvant atteindre 500 mètres de profondeur, elle a même failli s'effondrer en 2015. A tel point, qu'il a fallu injecter 50 000 tonnes de sable pour la stabiliser !!

C'est à peu près la masse d'argent qui en aurait été extraite ... de quoi fabriquer un pont reliant Potosi à Paris. Au milieu du XVIIe siècle, avec 165 000 habitants, Potosi est aussi importante que Paris et Londres par sa population. Mais les filons s'épuisent assez vite, puis les cours de l'argent s'écroulent, et en 1825, Potosi ne compte plus que 9000 habitants.

Aujourd'hui, les mineurs recherchent surtout le fer, l'étain et le zinc.

Les critiques du guide du Routard nous dissuadaient de visiter une mine, mais le médecin de l'ambassade de La Paz puis notre professeure d'espagnol nous encouragent fortement à changer d'avis et nous disent que les mineurs sont très contents de pouvoir faire connaitre leurs conditions de travail. Avant tout, nous nous plions au rituel qui consiste à acheter des bâtons de dynamite, des feuilles de coca et de l'alcool à 96° pour les mineurs (que des produits interdits chez nous !). Puis casqués, bottés, nous nous enfonçons sous terre. Après une heure de progression, debout, à quatre pattes et même en rampant, nous arrivons auprès d'El Tio. El Tio, "oncle" et "Dieu" tout à la fois, est une idole qui règne sur les profondeurs de la terre. Les mineurs lui offrent feuilles de coca, cigarettes et alcool pour obtenir ses bonnes grâces. Et ils ne manquent pas de boire une lampée de cet alcool presque pur en son honneur dans l'espoir de recevoir en retour un minerai tout aussi pur ...

 L'alcool à 96° ne sert pas qu'à honorer El Tio, mais aussi à se laver la bouche pleine de poussière, à désinfecter des plaies et à savoir, en le brûlant, si l'oxygène se rarifie. C'est samedi matin, et nous ne rencontrons qu'un seul groupe de mineurs qui pousse un wagonnet contenant la production de la semaine. Nous leur donnons la dynamite, les cigarettes et la coca qu'il nous reste. Ils apprécient le geste. Pendant cette visite, nous nous sommes rendu compte physiquement de la pénibilité de ce métier : boyaux étroits, odeurs nauséabondes, gaz parfois toxiques, poussière, chaleur ; d'ailleurs au deux-tiers du mi-parcours, deux personnes du groupe voulaient ressortir au plus vite tant elles étaient oppressées. Ce travail est plutôt bien rémunéré par rapport au salaire minimal en Bolivie, environ le double mais il n'y a ni retraite ni assurance. La silicose n'est pas rare dès 40/45 ans. Le travail des enfants n'est pas rare non plus, malheureusement ! Bien que l'école soit obligatoire et le travail des enfants répréhensible, il reste au bon vouloir des familles. Les enfants viennent aider pendant les vacances scolaires la plupart du temps, ou quand les familles manquent trop cruellement d'argent.


La ville de Potosi renferme aussi de nombreux édifices religieux, bâtiments financiers aux portails baroques tout à fait spectaculaires.

Le couvent Santa Teresa date du XVIIe siècle. Il était si riche et si vaste qu'il contenait initialement 18 patios (cloîtres). Aujourd'hui, il n'en reste que trois, les autres ayant été vendus. L'un des cloitres est strictement réservé aux six carmélites encore présentes. Plus que les christs sanguinolents, les vierges aux cheveux naturels et robes en fil d'or et d'argent, les angelots joufflus et les innombrables dorures, c'est la vie de ces carmélites qui nous intéresse : fille cadette de riches familles, elles entraient au couvent à 15 ans pour ne jamais en ressortir. Elles n'avaient pas le droit de parler, ne pouvaient voir leurs parents qu'une heure par mois, dormaient sur des lits sans matelas et s'infligeaient des pénitences très sévères. Une vie contemplative particulièrement exigeante. Nous avons droit à une visite guidée de 3H30 en espagnol !

Dernier incontournable de Potosi, la Casa nacional de Moneda, maison de la monnaie, où a été frappée la monnaie (d'or et d'argent) pendant deux cents ans. Les dernières pièces ont été frappées en 1951.Visite plus "industrielle" qui retrace les différents moyens utilisés au fil des années : la force humaine, la force animale (avec notamment d'incroyables engrenages en bois venus d'Europe) puis les presses à vapeur et enfin la modernité avec l'électricité.


Une étape culturellement très riche !